Dans les deux billets précédents, nous avons vu comment le peuple de l'Yemen a entamé un exode qui engendra un mouvement migratoire semé de guerres tribales pour défendre ou conquérir un puits et assurer la survie de la communauté.
Mais les fuites, les déplacements, les mixages, la vie nomade, firent que plusieurs générations après, des gens qui partageaient la même langue ne se comprenaient plus vraiment et que la gloire des conquêtes risquaient de se perdre.
Benoist-Mechin nous explique ceci dans son livre Ibn-Séoud ou la naissance d'un royaume. Ecoutons le narrer :
"Le désert qui avait engendré le guerrier, engendra alors le poète. Celui-ci prit rapidement un grand ascendant sur ces peuplades assoiffées de récits fabuleux et de poèmes héroïques. C'est au "chahir" -" à celui qui sait" - qu'échut la mission de trancher les différents d'ordre linguistique. [...] Son jugement était sans appel et s'entendait à tous. Ainsi se dégagea peu à peu une langue unique que les arabes adoptèrent avec tant d'enthousiasme qu'ils finirent par la considérer comme leur seconde patrie."
L'auteur de cet ouvrage cite un grand spécialiste de l'histoire des Arabes, Philipoe K. Hitti ; "Nul peuple au monde, n'éprouve une admiration aussi exaltée pour l'expression littéraire ; nul n'est remué comme les Arabes par la parole ou l'écriture. Aucune autre langue ne semble capable d'exercer sur l'esprit de ceux qui la parlent une influence à ce point irrésistible."
Il parle des récitations de poèmes antiques, des joutes publiques entre "Chahirs" comparables aux Jeux Olympiques de la Grèce antique.
Ces temps permettaient des trèves qui s'arrêtaient avec la fin de ces réunions pour laisser à nouveau place aux combats meurtriers.
Aujourd'hui, on peut rencontrer un de ces poètes ; aurons-nous le plaisir de l'entendre encore cette année déclamer ses vers au 7e Festival International des nomades à M'Hamid El Ghislane comme nous le voyons sur cette illustration lors de l'édition précédente.